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le blog des Etudes Bourbonnaises

analyse des articles parus dans le bulletin de la société bourbonnaise des études locales

Les "matronymes"

Publié le 15 Mars 2021 par Dominique LAURENT

La lecture des anciens annuaires téléphoniques du département de l’Allier font apparaître, dans l’est du département, une spécificité… l’existence de « matronymes ».
En ce moment un de ces matronymes est célèbre : celui de Julian Alaphilippe. Réputé être montluçonnais, il est en réalité né à Saint-Amand-Montrond... Saint-Amand-Montrond qui releva du Bourbonnais jusqu'à la révolution et la création des départements.
Sur le dernier annuaire papier, à la page de Montluçon, on trouve ainsi des Alajouanine, Alamargot, Alaphilippe.
Comme pour les patronymes, le stock des matronymes s’est amenuisé au fil du temps.
Mais les travaux des généalogistes mis en ligne sur Généanet m’ont permis de découvrir au XVIIIe siècle, l’existence de Alababel (Babelle pour Isabelle), Alabonne (Bonne est un prénom, dont la forme masculine est Bonnet et est d’origine latine. On connaît plusieurs paroisses saint Bonnet dans notre département), Aladenise, Alajacquette, Alamoine, Alapéronine( Péronine, féminin de Perrin ou Péronnelle sont des dérivés féminins de Pierre. Dans un article je m’étais allée à dire « il y avait beaucoup de péronnelle en Bourbonnais), Alasimonne. Philippes au XVe siècle désigne un homme, Philippe une femme : Alaphilippe n'est donc pas une erreur, pas plus qu'Alétienne.
J’ai contacté l’auteure d'une généalogie mise en ligne sur Généanet, qui comptait plusieurs de ces matronymes afin de vérifier leur localisation : la région de Beaune d’Allier, Lapeyrouse , Montluçon, Domérat, Vernusse. On en trouve aussi à Verneix, Bizeneuille, Commentry, Chamblet....
Plus généralement, cette pratique est berrichonne et fréquente dans les départements de l'Indre et du Cher.
On en trouve aussi en Normandie : dans son ouvrage paru en 2004, intitulé Origine de l'histoire des noms de famille, essai d'anthroponymie, Marianne Mulon, archiviste-paléographe, qui a créé et dirigé pendant plus de trente ans le Centre d'Onomastique des Archives nationales, c'est-à-dire l'étude des noms propres, émet l'hypothèse qu'on a là affaire à une influence scandinave.
En effet, longtemps, les pays scandinaves, ont identifié les individus en référence au prénom soit de leur père (patronyme), soit de leur mère et non par la lignée familiale ou le clan. Actuellement seule l'Islande maintient vivante cette pratique : après Johanna Siguroardottir, l'actuelle titulaire de la fonction de Premier ministre est Katrin Jakobsdottir. Elles succèdent à des Magnusson, Jonson, Johannesson... En attendant un Ingridson ou Sigridson et une Ingriddottir ou Sigriddottir.
Dans ce système, l'identifiant varie à chaque génération).
Y aurait-il eu dans l'ouest de l'Allier une invasion massive de Vikings, via le Cher (qui était navigué à défaut d'être navigable) totalement oubliée ? Ce serait une belle légende à créer....
En réalité, il convient plus raisonnablement de retenir une autre hypothèse émise par Marianne Mulon : ce nom ainsi féminisé était parfois transmis tel quel aux enfants, par une veuve non remariée, ou en cas de naissance hors mariage, ou bien parce que l'épouse jouait un rôle prédominant devant un mari effacé.
Mais pourquoi cette pratique paraît-elle être restée cantonnée à l'est de notre département, ainsi que l'étude des documents afférents au Moyen Age, époque de l'émergence des « noms de famille » le démontre (« Se distinguer les uns des autres : prénoms, noms et surnoms en Bourbonnais (XIVe- XVe s.), dans Etudes bourbonnaises, 15e série, n° 277, 1997, p. 22 à 37) ?
La fréquence relative de l'occurrence dans le Berry, dans les départements de l'Indre (on recense des Alasimone à Châteauroux et à Déols ) ou du Cher, ainsi qu'à Montluçon et dans l'est du département de l'Allier nous rappelle que ces régions, à l'âge du fer appartenaient à une seule et même tribu : les « Bituriges ». Et cette concomitance aussi est très intéressante.
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